
Louise Kress
La rhétorique des formes ambivalentes
Louise Kress conçoit ses sculptures comme autant d’entités peuplant un univers animal organique.
Si on peut y voir des plantes, des racines, des insectes ou des mammifères dressés sur leurs pattes, l’artiste (diplômée de l’École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire en 2015) aime néanmoins brouiller les pistes en privilégiant des silhouettes qui évoquent plus qu’elles ne représentent stricto sensu. Ellipses, courbes – creuses ou pleines, les formes simples que décline Louise Kress sont à la fois épurées mais évidentes, menaçantes mais précaires. Elles sont pleines de contradictions tout en incarnant la contradiction même.
Dans une projection anthropomorphe, comment alors ne pas se perdre dans les méandres émotionnels que proposent ces sculptures à la texture soyeuse et lisse ? Ici un rampant plaqué au sol par un bloc de béton (L’Asticot, 2013), là une girafe incommodée par la taille de ses pattes (Girafe sur verglas, 2017), soit autant d’œuvres renvoyant à un inconfort certain, à des expériences humaines parfois incohérentes, ironiques, que nous avons toutes et tous un jour éprouvées. À l’image de cette Mélée (2017), les sculptures de Louise Kress inspirent autant le déséquilibre que leurs courbes, leur mollesse apparente invitent à une forme de sensualité et de stabilité virtuose telle qu’on la retrouve dans la nature.
Louise Kress s’inscrit ici dans une relecture du biomorphisme, revisitant pêle-mêle Jean Arp, le film Tusalava (1929) de Len Lye, les Kunstformen (1903) d’Ernst Haeckel, mais aussi certains pans de la pratique sculpturale de Louise Bourgeois dont elle partage le prénom. En effet, tout comme les araignées de Louise B., les œuvres de Louise K. sont des figures ambivalentes : elles rassurent sur notre condition tout comme elles nous bouleversent quant à notre fragilité et notre capacité de résilience. Entre intériorité et superficialité, si les émotions pouvaient avoir une forme, elles se matérialiseraient par les sculptures de Louise Kress, dans leur recherche constante d’équilibre.
Marc Bembekoff